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- Culture
De "Kadosh" à "Va, vis et deviens", Yaël Abecassis a choisi d'incarner des héroïnes complexes. Dans "Hatufim", elle est Talia, une femme qui retrouve son mari soldat après dix-sept ans de captivité.
ParEmilie Grangeray
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Elle parle, beaucoup. Mais, redoutant les clichés, Yaël Abecassis choisit chaque mot avec attention. Et rit souvent. En ce 15 avril, l'Etat d'Israël fête son 65e anniversaire. " Le président Shimon Pérès a dit que c'était la fête d'indépendance la plus joyeuse que le pays ait connue. Obama nous a rendu visite, il y a dans l'air un vent d'espoir formidable. Et en même temps je me dis : "Qu'est-ce qui va encore nous tomber dessus ? " Dans deux ans, j'envoie mon fils à l'armée..." La collusion entre destins national et personnel, telle est la grande affaire d'Israël. Et celle de sa vie... Yaël Abecassis est née à Ashkelon, en 1967. Prématurée à cause du stress de la guerre des Six-Jours, elle doit son prénom à Yaël Dayan (la fille de Moshe, héros de l'armée israélienne).
Dans son immeuble, on parle yiddish, bulgare ; à la maison, arabe – ses parents sont nés au Maroc –, et Yaël apprend le français en lisant Paris Match : "Je rêvais en regardant les photos de Romy Schneider et d'Alain Delon. Et, pour moi, la France, c'était aussi Sautet et Truffaut. Gainsbourg, Brel, et Brassens, que mon père me chantait." Elle a 10 ans quand ce dernier meurt dans un accident de voiture. Pour que sa mère puisse continuer sa carrière de chanteuse, Yaël va s'occuper de sa grand-mère et de son frère, alors âgé de quelques semaines. "Très tôt, j'ai eu le sens des responsabilités."
Responsabilités en tant qu'Israélienne, en tant que mère, en tant que femme : "Il y a quelque chose de l'ordre du sacré à être une femme en Israël. Faire des enfants pour les envoyer à l'armée : c'est une folie. J'ai grandi dans une famille de femmes fortes, qui ont pris leur destin en main. Ma grand-mère, qui a divorcé à une époque où ce n'était pas évident ; ma tante, qui était féministe sans le savoir. Un jour, moi aussi j'ai ouvert les yeux, et j'ai compris. Pendant très longtemps, les femmes n'ont pas eu de voix. Je leur prête la mienne dans mes films."
"LA REINE ET LE SOURIRE D'ISRAËL"
Le Monde Ateliers
Cours en ligne, cours du soir, ateliers : développez vos compétences DécouvrirA regarder de plus près sa filmographie, ce sont des femmes tiraillées entre leurs différents rôles qu'elle n'a cessé d'incarner. Que l'on songe à Kadosh, où elle jouait l'épouse qui n'arrivait pas à avoir d'enfant dans la communauté ultra-orthodoxe mise en scène par Amos Gitaï ; à Alila, du même Gitaï, où elle jouait la femme maîtresse ; à "Prisonniers de guerre" enfin, où elle incarne sublimement Talia, l'épouse parfaite qui attend son mari. Elle a d'ailleurs, pour ce rôle, été élue meilleure actrice télévisée en Israël, en 2010. Cette excellente série diffusée sur Arte explore le syndrome post-traumatique de soldats qui rentrent chez eux après dix-sept ans de captivité au Liban. Pour Gideon Raff, son auteur et réalisateur, le personnage qu'incarne Yaël "est complexe parce que tout à la fois fort et vulnérable, comme l'est Yaël. Elle a su faire comprendre les failles de Talia qui, d'une certaine manière, fut elle aussi un prisonnier de guerre".
"C'est une femme dont la vie s'est littéralement arrêtée le jour où son mari a été kidnappé, renchérit Yaël. Elle devait se comporter comme on attendait qu'elle se comporte. Elle n'avait plus d'identité propre. J'ai choisi ce rôle pour la sauver de ce cliché de femme et de mère parfaites, pour l'allégorie qu'elle représente. Nous sommes tous des soldats. Des soldats de notre histoire. Et les femmes le sont encore davantage, puisqu'elles doivent tout à la fois être l'épouse, la mère, la cuisinière, et sexy si possible ! Elles doivent toujours lutter."
De la même manière, Yaël s'est longtemps battue contre l'étiquette qui très tôt lui a collé à la peau. Surnommée "la reine et le sourire d'Israël", elle a prêté son visage à de nombreuses publicités, a animé des émissions pour enfants, joué dans ce qui reste aujourd'hui encore l'une des séries israéliennes les plus populaires, "Shabbatot ve hagim". On déconseillera même à Gitaï de faire appel à elle pour Kadosh - "trop belle, trop star".
Belle, et polyglotte : deux qualités qui auraient pu la propulser vers une carrière plus internationale – elle a refusé le rôle d'une James Bond girl auprès de Pierce Brosnan –, mais elle ne regrette rien : "Je veux terminer ma carrière là où je l'ai commencée. Et contribuer, du mieux possible, au cinéma israélien, notamment à travers la société de production Cassis Films que j'ai créée il y a deux ans." En 2009, elle monte pour la première fois sur les planches et joue à Tel-Aviv dans La Dame de la mer, d'Henrik Ibsen. "Ce fut une opération à cœur ouvert pour moi ", lâche-t-elle, alors qu'on se souvient que, là encore, il est question de liberté, de responsabilité, de femmes. "C'est ça qui m'intéresse."
Et toujours on en revient là. Dans Va, vis et deviens (2005), de Radu Mihaileanu, elle jouait une mère qui adopte un enfant éthiopien et se retrouve confrontée au racisme. "Toutes mes peurs sont remontées. Celles qui m'assaillent depuis que, petite, j'ai pris conscience que je vivais dans un pays que l'on voulait nous prendre. Il y a deux femmes en moi. Je suis pro-palestinienne, je crois à la nature humaine et à la nécessité de cohabiter, mais j'ai choisi de rester chez moi, parce que je suis israélienne, j'aurais l'impression de déserter si je partais."
Emilie Grangeray
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